Un très beau conte pour encourager à la modestie et à l’action utile, et décourager la vanité et l’inaction.
A partir de 9 ans. Les expressions et les mots difficiles sont expliqués à la fin du texte. Des questions de synthèse et de réflexion sont proposées à la fin, avec un espace prévu pour rédiger la réponse.
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Fable de mon jardin
« Moi, disait un jeune cerisier, je fleuris toujours de bonne heure. Ce n’est pas pour me distinguer. Non, je vous assure : je suis la modestie même. Je fleuris de bonne heure parce que c’est une tradition dans ma noble famille. A vrai dire je fleuris de façon merveilleuse : un manchon neigeux qui va jusqu’à l’extrémité de mes branches. Quelle tenue des pétales ! Et quel parfum ! Et quand vient la défloraison, quelle pluie candide ! Et quel tapis sur le sol, à mes pieds ! Vous verrez : c’est un poème. Les fruits que nous donnons dans la famille sont renommés dans tout l’univers. Pensez, le bigarreau ! Nous faisons le bigarreau blanc. Et vous, monsieur mon voisin ?
– Vraiment, la poire ! C’est très intéressant. Vous n’avez pas de noyau, paraît-il !
– Dieu merci, non ! Mais des pépins et plus que je n’en voudrais. De la poire, j’en donne, au besoin, à condition bien entendu qu’on ne me tourmente pas. S’ils me laissent tranquille, ici, je ferai peut-être une ou deux poires. S’ils me taillent, s’ils me tripotent, alors bernique.
– Plaît-il ?
– Oui, vous ! Qu’est-ce que vous faites ? »
L’arbre ainsi mis sur la sellette était un petit pommier tout rabougri, tout chétif.
« Oh ! répondit-il à voix basse, moi, je fais ce que je peux. »
Il y a dix ans de cela. Le petit dévoué continue de nous confondre par sa générosité. Le poirier tient parole : il n’a jamais donné de fruits. Le cerisier, à chaque retour de l’avril, dit à qui veut l’entendre :
« Vous allez voir ce que vous allez voir ! »
Et son beau feu d’artifice régulièrement se termine par un déjeuner de moineau.
Georges Duhamel, Fables de mon jardin (1936)